Reportage "Il cherchait une vie meilleure" : ces jeunes Palestiniens qui fuient Gaza au péril de leur vie
À l’entrée d’un cimetière de Rafah, une pierre tombale attire l’œil. Elle contraste avec les autres, comme si elle avait été érigée la veille. Un Palestinien de 50 ans, Talal al-Shaer, prie quelques secondes puis s’accroupit. “Ici repose mon fils, Mohammed, il est mort noyé en mer, raconte le père de famille. Il cherchait une vie meilleure, loin de Gaza et du siège.”
Mohamed, âgé de 22 ans, était l’aîné. Il est mort le 4 octobre 2022 en tentant rejoindre l’Italie depuis la Libye. Il y avait aussi son frère de 18 ans, Maher, sur la même embarcation qui a coulé au large des côtes tunisiennes. “On a su que onze corps avaient été retrouvés, mais leurs traits n’étaient pas identifiables, indique Talal al-Shaer. Donc nous avons dû faire des tests ADN pour révéler l’identité des noyés. Il y avait un de mes fils : Mohammed, nous l’avons trouvé. Mais Maher, nous ne savons toujours pas où il est.“
Sous blocus israélien depuis quinze ans, la bande de Gaza où plus de deux millions de personnes s’entassent sur un petit territoire de 360 km² est l’une des densités de population les plus fortes au monde. Selon le dernier rapport des Nations unies, près de 50% des Gazaouis vivent en état d’insécurité alimentaire. Le taux de chômage touche 45% de la population en âge de travailler et dépasse les 60% quand il s’agit des jeunes. Une “prison à ciel ouvert”, disent ces derniers qui sont de plus en plus nombreux à chercher à fuir l’enclave côtière.
Kidnappés en Libye
Les deux frères Mohammed et Maher avaient quitté Gaza en février 2022. D’abord via le passage de Rafah, vers l’Egypte, puis jusqu’en Lybie, le début de l’enfer. Là-bas, comme des milliers de candidats à l’exil vers l’Europe, ils sont arrêtés par les autorités locales alors qu’ils tentent de prendre la mer. Puis, ils sont kidnappés en pleine nuit par des groupes armés rodés aux trafics d’êtres humains qui marchandent la libération des deux jeunes. “Au début, ils ont demandé 18 000 dinars libyens, et nous leur avons dit que nous n’avions pas d’argent, confie le père de famille. Après, nous avons négocié avec eux, et au final, nous avons dû payer 5 000 dinars libyens, soit 1 000 euros. Mes garçons étaient épuisés. Alors on s’est rendu compte qu’il fallait les faire sortir de là.”
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“Quand ils sont sortis, nous leur avons dit que c’en était assez, qu’ils devraient rentrer. Mais ils ont refusé. Ils sont libres, je n’ai pas pu les arrêter.”
Talal al-Shaer, Palestinien
à franceinfo