Résurgence de l’EI, crise migratoire… Quelles peuvent-être les conséquences de l’offensive turque en Syrie ?

La décision suscite un tollé international. La Turquie a déclenché une offensive militaire, baptisée “Peace Spring”, dans le nord-est de la Syrie, mercredi 9 octobre. Ankara souhaite créer une “zone de sécurité” pour écarter les miliciens kurdes installés dans cette région et considérés par l’Etat turc comme des “terroristes”.>> Suivez en direct l’offensive militaire menée par la Turquie en SyrieLe Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir d’urgence et à huis clos, jeudi, à la demande de ses membres européens. Risque de nouvelle crise migratoire, résurgence du groupe Etat islamique (EI), catastrophe humanitaire… Franceinfo décrypte les conséquences potentielles de cette offensive qui inquiète la communauté internationale.Un désastre humanitaireDepuis mercredi, au moins 23 combattants des forces kurdes et 9 civils ont été tués par les frappes aériennes et les tirs d’artillerie de l’armée turque, selon un bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) effectué jeudi. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a quant à lui fait état de 109 morts parmi les miliciens kurdes. Par ailleurs, selon les autorités turques, au moins six civils, dont un bébé et une fillette, ont été tués et plusieurs dizaines blessés jeudi par des projectiles tirés sur des villes frontalières turques par des combattants kurdes syriens. L’offensive turque, la troisième en Syrie depuis 2016, fait craindre un nouveau bain de sang. “Sur le plan humanitaire, ça va être une catastrophe”, a alerté mercredi sur franceinfo Claire Cemile Renkliçay, coprésidente du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Depuis 2011, le conflit syrien a fait 370 000 morts, selon le dernier bilan de l’OSDH, publié à la mi-mars. Parmi eux, on compte 112 623 civils, dont plus de 21 000 enfants et 13 000 femmes.Quand il y a une guerre, ce sont les civils, les femmes et les enfants qui en subissent les conséquences.Claire Cemile Renkliçay, coprésidente du Conseil démocratique kurde en Franceà franceinfoLa dirigeante du CDK-F est catégorique sur l’objectif de l’offensive turque : “Le but, c’est d’éradiquer la population kurde.” Ankara considère les combattants kurdes syriens, les Unités de protection du peuple (YPG), comme des “terroristes”, en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), contre lequel l’Etat turc est en conflit depuis 1984.Intégrées au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), les YPG ont combattu l’Etat islamique en Syrie, aux côtés de la coalition internationale. “Les FDS ont libéré des dizaines de milliers de kilomètres carrés et des millions de personnes des griffes de l’EI. Durant les combats, elles ont déploré 11 000 victimes”, a rappelé l’ancien chef des forces américaines au Moyen-Orient, le général Joseph Votel. Un nouvel afflux migratoire vers l’EuropeSelon l’OSDH, l’offensive turque a déjà fait “60 000 déplacés” fuyant les zones bombardées. Des tirs d’artillerie visent Ras al-Aïn, ville située sur la frontière turco-syrienne, provoquant la fuite de dizaines de civils en voiture ou à moto. Certains sont même partis à pied, chargés de valises et de sacs, a constaté l’AFP. Plusieurs dirigeants européens, réunis mardi à Luxembourg, redoutent que l’attaque turque ne conduise à un nouvel afflux de migrants en Europe. Dans un texte conjoint transmis aux ministres de l’Intérieur de l’Union européenne, la Grèce, Chypre et la Bulgarie ont souligné “la hausse spectaculaire d’arrivées de migrants sur la route de Méditerranée orientale”, ajoutant que “les facteurs géopolitiques, notamment les conflits dans la région, en particulier en Syrie, auront très probablement pour conséquence une poursuite de cette tendance inquiétante”. Depuis 2011, les combats en Syrie ont fait 6,6 millions de déplacés dans le pays et 5,6 millions de réfugiés dans le monde au 19 avril 2018, selon les derniers chiffres communiqués par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés  (HCR). L’enjeu migratoire est central dans la décision d’Ankara d’intervenir dans le nord de la Syrie. Selon Recep Tayyip Erdogan, cette opération militaire doit permettre la création d’une “zone de sécurité”, longue de 120 kilomètres et profonde d’une trentaine de kilomètres. Les autorités turques souhaitent y installer 2 des 3,6 millions de Syriens actuellement réfugiés dans le pays.  Pour la Turquie, ces réfugiés sont “un moyen de pression sur l’Europe”, analyse auprès de Franceinfo Frédéric Pichon, spécialiste du Moyen-Orient et chercheur associé à l’université de Tours. Le flux de migrants depuis la Turquie vers l’Europe s’est considérablement tari à la faveur d’un accord conclu en 2016 entre Ankara et l’Union européenne. Un accord que la Turquie a menacé de rompre à plusieurs reprises. “Nous allons ouvrir les portes et envoyer 3,6 millions de réfugiés chez vous”, a ainsi lancé jeudi Recep Tayyip Erdogan en réponse aux critiques européennes contre son offensive. Une résurgence du groupe Etat islamiqueLes combattants kurdes ont joué un rôle crucial dans la guerre contre le groupe Etat islamique en Syrie. Les FDS, dominées par les YPG, contrôlent une grande partie du territoire auparavant dirigé par l’EI, et 10 000 membres du groupe jihadiste sont détenus dans des camps gérés par la milice kurde. Parmi ces prisonniers figurent près de 2 000 jihadistes étrangers, dont des centaines de Français. Dans ces camps se trouvent aussi 80 000 membres de leurs familles, femmes et enfants. Les Européens craignent que certains des prisonniers jihadistes ne profitent de l’offensive turque pour s’échapper. Selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, l’opération “remet en cause les efforts sécuritaires et humanitaires de la coalition contre Daech et risque de porter atteinte à la sécurité des Européens”. 

Une inquiétude partagée par le gouvernement allemand, pour qui l’offensive risque “de provoquer une résurgence” de l’EI. Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a quant à lui exhorté la Turquie à “agir avec retenue et veiller à ce que les progrès que nous avons réalisés dans la lutte contre l’Etat islamique ne soient pas compromis”. Si l’Europe craint une dispersion des détenus jihadistes, elle ne souhaite pas pour autant les rapatrier et les juger sur son territoire. La France n’a pas changé sa position : les jihadistes français qui ont rejoint les rangs de l’EI doivent être jugés dans le pays où ils ont commis leurs exactions. Deux importants jihadistes de l’EI détenus par les forces kurdes en Syrie ont été placés sous le contrôle de l’armée américaine en raison de l’offensive turque, a déclaré mercredi un responsable américain de la Défense. Il s’agit d’Alexanda Amon Kotey et El Shafee el-Sheikh, deux membres d’un groupe surnommé “les Beatles” en raison de leur accent anglais. Un nouveau volet dans le conflit syrienLes puissances mondiales craignent que l’offensive turque ouvre un nouveau chapitre dans le conflit en Syrie et aggrave les troubles dans la région. Le chef de la diplomatie britannique, Dominic Raab, a exprimé sa “sérieuse préoccupation”, ajoutant que l’opération militaire risquait “de déstabiliser la région”. Les plus de deux millions de Kurdes qui vivent en Syrie ont longtemps été marginalisés et victimes de discriminations de la part du pouvoir central. Depuis 2011, en chassant l’Etat islamique présent dans le nord-est du pays, ils ont réussi à instaurer une autonomie de facto dans cette zone, le Rojava.L’offensive turque pourrait bouleverser le complexe jeu d’alliances au sein du conflit syrien. Car les Kurdes de Syrie pourraient demander la protection du régime syrien de Bachar Al-Assad et de son allié russe, rapporte L’Express (article payant)“Face à la menace venant d’Ankara, les Kurdes, encouragés par Moscou, pourraient négocier une réintégration au sein du régime syrien”, explique Jean Marcou, spécialiste de la Turquie, dans l’hebdomadaire.Click Here: State of Origin Jerseys

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