Oppenheimer de Christopher Nolan en DVD et Blu-ray : “Un film qui ne se contente pas d’être un simple divertissement sans intérêt”
C'est avec "Barbie" le grand succès de l'été 2023, avec près d'un milliard de dollars de recettes dans le monde. A l'occasion de la sortie DVD et Blu-ray, Christopher Nolan et sa productrice Emma Thomas reviennent sur leur expérience "Oppenheimer".
325 millions de dollars de recettes au box-office américain, 949 millions de dollars de recettes mondiales, 4 445 756 de spectateurs dans les salles françaises : Oppenheimer est devenu cet été, en quelques semaines à peine, le biopic le plus lucratif de l’Histoire. Le succès du film, les réactions qu’il provoque, les coulisses du Trinity Test… Le réalisateur Christopher Nolan et sa productrice Emma Thomas reviennent pour AlloCiné sur cette sortie hors-normes.
Oppenheimer
De
Christopher Nolan
Avec
Cillian Murphy,
Emily Blunt,
Matt Damon
Sortie le
19 juillet 2023
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Un succès planétaire
Christopher Nolan (réalisateur) : Je n’essaye pas de l’expliquer. J’avais mes propres espoirs quant au succès du film. Il l’a été bien plus que cela. C’était passionnant à voir. Parfois, il suffit d’une vague d’intérêt pour une histoire ou un sujet particulier. C’est vraiment enthousiasmant de voir le public du monde entier adopter le film. Et les jeunes en particulier, qui viennent voir le film plusieurs fois.
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Emma Thomas (productrice) : De toute évidence, le succès du film a dépassé nos espérances les plus folles. Je pense que lorsque le film est sorti, nous espérions qu’il ferait peut-être aussi bien que Dunkerque. Mais il a fait le double. C’est incroyable. Et je pense que la seule chose à laquelle je peux vraiment attribuer cela est le fait que le public était prêt à voir un film qui le mettait au défi. Un film qui ne se contente pas d’être un simple divertissement sans intérêt.
L’impact sur les jeunes spectateurs
Christopher Nolan (réalisateur) : J’en suis très heureux. Lorsque je lui ai dit ce que j’écrivais, l’un de mes fils, qui est adolescent, m’a dit : “Papa, tu sais, honnêtement, plus personne ne s’intéresse à ce sujet. Plus personne ne s’en préoccupe vraiment”. Et malheureusement, avec l’évolution de la situation géopolitique, quelques années plus tard, alors qu’il ne se posait plus cette question et que personne ne se posait cette question, notre peur des armes nucléaires est revenue, d’une manière qui n’aurait jamais dû disparaître, car les armes ne disparaissent pas.
Et je pense que les jeunes, en particulier, ont trouvé matière à s’engager dans une histoire qui est très importante. Et pourtant, ils ne savent pas grand-chose à ce sujet. Pour un cinéaste, c’est une grande opportunité. Je ne dirais pas d’éduquer, mais d’engager, d’essayer de raconter l’histoire d’une manière passionnante, où l’on ressent l’importance de l’histoire parce qu’elle nous est présentée d’une manière très dramatique. Et c’est vraiment ce que je voulais faire. Le divertissement est un mot étrange à utiliser avec un sujet sérieux, mais il s’agit bien de divertissement. Il s’agit d’engagement. Il s’agit de proposer aux gens une histoire captivante.
Emma Thomas (productrice) : Je pense que Chris fait toujours des films qui provoquent et engagent. Nous avons souvent constaté que les gens retournent voir ses films encore et encore. Mais je dois dire que Oppenheimer m’a semblé très différent en ce qui concerne le niveau d’engagement. Par exemple, j’étais en train de déposer mon enfant à l’université, et les gens assis à la table à côté parlaient du film. Et j’étais un peu gênée… Heureusement, ils étaient très positifs ! (rires) Le lendemain, j’étais dans le train et j’ai entendu d’autres personnes en parler, ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant. Je n’avais jamais ressenti un tel niveau d’excitation ou d’engagement à l’égard d’un film. C’est un sentiment extraordinaire parce que nous avons tellement entendu de choses sur la supposée mort de l’expérience en salles. Cet été a prouvé qu’il y a toujours un public qui, si vous lui proposez quelque chose qui l’intéresse, ira le voir.
Le Trinity Test
Christopher Nolan (réalisateur) : L’une de mes premières conversations sur le film, une fois le scénario terminé, a été avec Andrew Jackson, mon superviseur des effets visuels. C’est la première personne à qui j’ai montré le scénario après Emma Thomas, car je savais qu’il lui faudrait beaucoup de temps pour faire ce que j’allais lui demander. C’est-à-dire réaliser le Trinity Test sans images de synthèse.
J’ai déjà utilisé des images de synthèse pour une explosion nucléaire à la fin de The Dark Knight Rises, et ils ont fait du très bon travail. Les images de synthèse, c’est une technologie très polyvalente, mais elles donnent un sentiment de sécurité. Alors que le Trinity Test devait être absolument magnifique, mais également dangereux dans la même mesure. Et je pense que seule l’imagerie analogique, seules les choses du monde réel que vous pouvez photographier, qu’il s’agisse de choses minuscules ou de choses gigantesques, mais que nous pouvions photographier, ont un côté mordant et menaçant. Et il était très important pour moi que le Trinity Test porte ce sentiment de danger.
Emma Thomas (productrice) : C’était une scène très complexe, très difficile à tourner parce que nous tournions au milieu du désert, dans une zone très vaste. Et quand vous tournez dans un endroit comme ça, vous avez un grand nombre de camions que vous devez cacher. Et puis il y avait la pluie, le vent… Le vent était terrible, cette nuit-là. En fait, nous avons même pensé ne pas pouvoir tourner. Il y a donc eu beaucoup de considérations pratiques qui ont rendu les choses très difficiles. Mais quand je regarde le film et cette scène, je suis aspirée par le moment et j’oublie tout cela. Ce qui témoigne, je pense, de la qualité de la scène.
Une résonnance avec le présent
Emma Thomas (productrice) : Avec tout ce qui se passe dans le monde, je pense que malheureusement, l’histoire a une pertinence et une résonance qu’elle n’avait peut-être pas il y a quelques années. Mais c’est précisément ce que nous voulions atteindre, parce que je pense que nous étions arrivés à ce point où nous considérions en quelque sorte la paix et la sécurité comme acquises et oubliions que nous avions ces armes terribles. Nous devons absolument en être conscients et ne jamais oublier que nous en disposons, car la menace persiste.
Direction les Oscars ?
Christopher Nolan (réalisateur) : Ce n’est certainement pas la raison pour laquelle nous avons fait ce film. Cela n’influe en rien sur la manière dont nous réalisons les films. D’ailleurs, nous faisons des superproductions qui sortent l’été, ce qui n’est pas très stratégique pour la saison des récompenses. Mais bien sûr, le respect qui vous serait accordé par vos pairs, par d’autres cinéastes ou autres, c’est le plus grand honneur que vous puissiez demander. Ne vous méprenez pas, ce serait fabuleux de gagner des prix. Mais non, nous faisons le film pour le public avant tout. Nous essayons de faire ce qu’il y a de mieux pour le film lui-même et pour le faire connaître au grand public.
Propos recueillis à Los Angeles par Emmanuel Itier & Didier Allouch