Obama-Gates: polémique en Amérique
Il a beau être le premier président noir américain, Barack Obama sait que le racisme est aussi vieux que les Etats-Unis. Et comme il ne manque pas de franchise, il s’est insurgé contre la bavure à l’encontre de l’un de ses amis, éminent professeur à l’Université d’Harvard.
C’est un homme de presque 60 ans, élégant, qui se déplace souvent avec une canne qui a été arrêté à son propre domicile la semaine dernière: cela n’a pas suffi à convaincre les flics de Cambridge que Henry Louis Gates Jr, dit Skip, n’était pas un vulgaire cambrioleur.
Jeudi dernier, Gates, professeur d’histoire afro-américaine à la prestigieuse université de Harvard, rentrait d’un voyage en Chine lorsqu’il a eu des difficultés à ouvrir sa porte d’entrée. Avec le chauffeur de taxi, un Afro-américain également, ils ont donc forcé la porte. Une voisine qui passait par là s’est empressée d’appeler le commissariat du coin pour prévenir qu’un cambriolage était en cours.
Les forces de l’ordre ont donc débarqué manu militari chez Gates, qui était entré – chez lui, donc-dans l’intervalle, et l’ont sommé de sortir. S’en est suivie une altercation entre les policiers zélés et le prof dépité, et leurs versions des faits ne concordent pas. L’universitaire affirme avoir présenté son permis de conduire et sa carte de Harvard tandis que l’officier en uniforme refusait de décliner son identité, quand les flics affirment que c’est le prof qui le premier s’est emporté en les menaçant.
En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, Skip Gates s’est retrouvé menotté et placé en garde à vue, et cela pendant quatre heures, le temps qu’il a fallu à la diligente police de Boston, USA pour faire toute la lumière sur ce personnage trouble: Henry Louis Gates était bien chez lui. Pas de bol pour les poulets, le prof en question était un ami du président.
Interrogé quelques jours plus tard sur cet incident, lors de la conférence de presse qu’il donnait sur le système de santé, Barack Obama a déclaré que l’arrestation de Gates était «stupide» et évoqué la discrimination raciale dont sont victimes, depuis toujours, les Blacks et les Latinos, de la part de la police aux Etats-Unis. «Les choses se sont améliorées, et j’en suis la preuve,» a déclaré Barack Obama, mais beaucoup reste à faire. Des propos sur lesquels l’Amérique se divise désormais: Obama a-t-il commis le premier faux-pas de son mandat? A-t-il pris un risque politique en donnant le fond de sa pensée?
Ce qui est certain en revanche, c’est qu’un prof de fac blanc n’aurait jamais été arrêté dans des conditions semblables. Que le sergent mis en cause dans l’histoire risque de voter républicain aux prochaines élections. Et que l’affaire Gates fait ressurgir l’éternel débat sur le racisme en Amérique, fermant la parenthèse enchantée qui a suivi l’élection du premier Afro-américain à la tête du pays. La fin d’une lune de miel, qui avait en réalité déjà commencé à se traduire dans les sondages…
Vendredi 24 juillet 2009