Le clan Casadesus : une famille qui ne manque pas d’air

Alors que Gisèle, le pilier de cette dynastie de saltimbanques, vient de fêter ses 102 ans, sa petite-fille Caroline, cantatrice de renom, assure la relève sur scène.

Une séance photo, ça peut être long, surtout pour qui vient de coiffer ses 102 printemps. Oui, on a du mal à le croire, Gisèle Casadesus a eu 102 ans ce 14 juin. A part une petite tracasserie à la hanche, on la retrouve inchangée : intelligence, charme incandescents. Il y a bien la mémoire immédiate qui parfois fait l’école buissonnière, ou le regard qui soudain perd de son acuité, mais Jean-Claude, son fils, et Caroline, sa petite-fille, veillent au grain. Le premier la chatouille à chaque clic-clac du photographe. La seconde, à coups de paroles affectueuses, l’aide à maintenir son sourire. Alors Gisèle se ravive, docile. Jusqu’à ce que le premier exagère ses guili-guili. Alors, le mot de Cambronne retentit, et autres « Eh, oh, je ne suis pas encore gaga ! » Non, visiblement pas.

Nous sommes dans l’appartement montmartrois où elle est née, où, sociétaire de la Comédie-Française, elle a vécu plus de soixante-dix ans avec feu le comédien Lucien Pascal, le père de ses quatre enfants. Elle sait que cette fois nous ne sommes pas venus pour elle, mais pour Caroline, sa petite-fille, flamboyante artiste lyrique qui se produit au Théâtre de Poche dans La voix humaine de Cocteau, mise en musique par Francis Poulenc. Gisèle, première groupie de chacun de ses enfants et petits-enfants. Pas une semaine sans aller applaudir l’un ou l’une. Un pli pris depuis les débuts de son aîné, il y a quarante ans, à la tête de l’Orchestre national de Lille, Jean-Claude qui vient de passer la main tout en y assurant encore trois programmes par an, et qui parcourt, à quatre-vingt ans, le monde comme chef indépendant. Puis, il y eut Martine, la comédienne, Béatrice, la peintre, et Dominique, le compositeur.

Mêmes élans artistiques, la génération suivante. Parfois au berceau, parfois sur le tard : quand on a été précédé d’un Henri ou d’un Francis Casadesus, on peut hésiter à se lancer. « Caroline, nous dit son père, a une musicalité naturelle, mais ce n’est qu’après des études d’histoire, à vingt-sept ans, qu’elle a décidé de chanter. » Autant dire qu’elle a mis les bouchées doubles. Un quart de siècle de cours et d’efforts plus tard, elle est devenue la rousse à la voix sensible et solaire qui peut passer du lyrique au jazz – remportant avec son ex-mari, Didier Lockwood, le Molière 2006 du meilleur spectacle musical pour Le jazz et la diva – comme sublimer La voix humaine. Une partition réputée redoutable « parce qu’on est sans arrêt, explique-t-elle, à cheval entre le parlé et le chanté ». Quand son père lui a proposé de s’y attaquer, il y a trois ans, pour le cinquantenaire de la mort de Poulenc, elle a surmonté ses peurs, et relevé le défi modernisant l’œuvre incroyablement, accompagnée de Jean-Christophe Rigaud au piano, sous la direction de sa cousine Juliette Mailhé. De quoi séduire Philippe Tesson – le célèbre journaliste est propriétaire du Théâtre de Poche – qui lui a proposé de s’y produire chaque lundi. Philippe Tesson, qu’elle rejoint sur scène les vendredis et samedis dans Le bœuf sur le toit évoquant les années Cocteau.

Le reste du temps ? Elle n’arrête pas : applaudir ses fils David et Thomas Encho, jazzmen mondialement estimés, améliorer sa technique vocale avec la grande Yva Barthélémy, et s’occuper de ses chats et de ses chiens, elle monte chaque matin à cheval pour aider sa fille cavalière Mathilde Lockwood, musicienne également. Mais qui n’a que vingt ans. Chez les Casadesus, les notes finissent toujours par vous happer. La saga familiale n’est pas finie.

Par Maryvonne Ollivry

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