Iran : quatre questions sur l'attentat qui a fait 84 morts mercredi dans le sud du pays, revendiqué par le groupe Etat islamique
L’Iran observe une journée de deuil national jeudi 4 janvier, au lendemain de l’attentat qui a fait 84 morts près de la tombe du général Qassem Soleimani. Une double explosion s’est produite près de la mosquée Saheb al-Zaman, où se trouve la tombe du général Soleimani, à Kerman, dans le sud du pays.
Une première explosion s’était produite à 700 mètres de la tombe, la seconde un kilomètre plus loin, selon des sources iraniennes. Une foule compacte de représentants du régime et d’anonymes s’y trouvait pour une cérémonie en mémoire du général, tué il y a quatre ans par une frappe américaine en Irak. Franceinfo répond à quatre questions sur cet attentat.
Que sait-on sur l’attaque ?
Le groupe Etat islamique (EI) a revendiqué jeudi les deux explosions, via la messagerie Telegram. Avant cette revendication, un conseiller politique du président iranien avait désigné Israël et les États-Unis comme responsables de cet attentat. Le département d’État à Washington avait jugé “absurde” toute suggestion d’une implication des États-Unis ou d’Israël. Ennemi juré de l’Iran, Israël n’a pas commenté l’attentat. “Nous sommes concentrés sur les combats avec le Hamas”, a répondu le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari.
Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a promis une “réponse sévère” à l’attentat, un acte “odieux et lâche” pour le président Ebrahim Raïssi qui a annulé un déplacement prévu en Turquie, selon un média d’État.
Le bilan officiel s’est stabilisé à 84 morts jeudi, après avoir d’abord fait état de 103 puis de 95 morts. Le chef des urgences du pays, Jafar Miadfar, a indiqué à la télévision d’État que “284 personnes étaient blessées dont 195 toujours hospitalisées”. Selon lui, l’état dégradé de certains corps après l’explosion a compliqué le recensement des victimes. Le ministre de l’Intérieur, Ahmad Vahidi, a averti que le bilan des morts pourrait s’aggraver, certains blessés se trouvant dans un “état critique”. Le gouvernement iranien a décrété jeudi 4 janvier “journée de deuil national” après l’attaque, la plus meurtrière en Iran depuis 1978, quand un incendie criminel avait fait au moins 377 morts dans un cinéma d’Abadan.
Qui était le général Qassem Soleimani ?
Qassem Soleimani avait été tué en janvier 2020 dans une attaque de drone américaine en Irak. Homme clé du régime iranien, il était également l’une des personnalités les plus populaires du pays. Architecte de la puissance régionale de l’Iran, on l’a parfois surnommé le Commandant de l’Ombre.
Longtemps considéré comme un ennemi juré de Washington et ses alliés, Qassem Soleimani dirigeait la Force Qods, la branche des opérations extérieures du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran, supervisant les opérations militaires dans l’ensemble du Moyen-Orient. Déclaré “martyr vivant” par l’ayatollah Ali Khamenei, alors qu’il était encore en vie, Qassem Soleimani était célébré pour son rôle dans la défaite du groupe jihadiste État islamique en Irak et en Syrie.
Quelles sont les réactions à l’attaque ?
Le Hamas, soutenu par Téhéran, a fustigé un “acte terroriste (…) qui cherche à déstabiliser la sécurité de la République islamique au service de l’agenda de l’entité sioniste (Israël)”. De son côté, le président russe Vladimir Poutine a dénoncé un attentat “choquant par sa cruauté et son cynisme”, et le président chinois Xi Jinping a présenté ses condoléances à son homologue iranien en faisant part de sa “profonde tristesse”, selon des propos rapportés par la chaîne CCTV.
“J’ai condamné cette attaque terroriste dans les termes les plus forts et j’ai exprimé (ma) solidarité avec le peuple iranien”, a communiqué le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Enfin, le secrétaire général de l’ONU, l’Union européenne, la France, l’Allemagne, la Jordanie et l’Arabie saoudite ont eux aussi condamné cet attentat.
Quelles conséquences pour la région ?
Cette attaque est survenue dans un contexte régional très tendu depuis le début du conflit en octobre entre Israël et le Hamas, et au lendemain de l’élimination de Saleh al-Arouri, haut responsable du mouvement islamiste palestinien dans une frappe près de Beyrouth, attribuée à Israël. Le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, a mis en garde Israël contre une nouvelle escalade de la violence : “Pour le moment, nous combattons sur le front de façon calculée (…) mais si l’ennemi pense lancer une guerre contre le Liban, nous combattrons sans limites, sans restrictions et sans frontières (…) Nous ne craignons pas la guerre “, a-t-il déclaré.
De son côté, le chef d’état-major de l’armée israélienne Herzi Halevi a indiqué que ses troupes étaient en état d’alerte à la frontière nord avec le Liban, théâtre quasi-quotidien d’échanges de tirs depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Depuis le début de ce conflit, les tensions se multiplient aussi en Syrie et en Irak, où des bases américaines sont prises pour cible, mais également en mer Rouge, où les rebelles Houthis du Yémen mènent des attaques pour freiner le trafic maritime en “soutien” à Gaza.
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