Calogero rentre dans l’âge d’or

A 43 ans, « l‘ex-chanteur à minettes » sort un nouvel album révélant en auteur mûr et un père de famille apprivoisant la sagesse.

En ce matin de mai où Calogero tourne le clip de son nouveau titre, Un jour au mauvais endroit, le vent venu des montagnes alentours lui murmure la valse à mille temps d’un passé tout à la fois proche et lointain. En hommage à son maître, le génial mélodiste Ennio Morricone, l’artiste replonge dans le « Il était une fois Echirolles » de son enfance, cette banlieue grenobloise où il est né, qu’il a quittée à dix-sept ans, et où il est revenu travailler pour les besoins de son sixième album, Les feux d’artifices (distribué par Polydor). Les montagnes rocheuses des cités avec leurs trafics et leurs guets-apens. Ses rodéos timides avec des filles draguées dans les saloons du Far West de son adolescence.

Papa, le peintre en bâtiment communiste, qui chante le folklore et le bel canto dans les MJC de la région Dauphiné, voyant bien son fils maçon mais lui révélant sa vocation en lui offrant un petit orgue d’appartement pour ses six ans… Que de chemin parcouru ! Que de succès rencontrés dans la vaste carrière du monde. Que de pièges évités avec toujours cette certitude qu’il ne pouvait que rester fidèle à son milieu, à sa famille, à son clan de Siciliens. A quarante-trois ans, Calogero Joseph Salvatore Maurici ressemble de plus en plus aux hommes de Sommatino, le village de ses origines. Comme eux, il parle peu et s’habille toujours en noir, son visage s’est légèrement creusé avec l’âge, son regard assombri reflète les préoccupations plus graves d’un artiste dont les chansons moins gimmick montrent qu’il a définitivement quitté ses habits de jeune premier. « Mon prochain album est engagé socialement, prévenait-il fin juillet dans les pages du Nouvel Observateur. C’est normal, la paternité a fait de moi un anxieux. Je ne suis pas du genre à dire que c’était mieux avant, mais il m’arrive de le penser face à la banalisation de la violence au cinéma ou dans les jeux vidéo ».

Avant, justement, il se serait posé la question de savoir si ses mots ne sonnaient pas un peu réac, un peu cliché, un peu prétentieux. Il aurait demandé leur avis aux journalistes venus l’interviewer. Maintenant, il assume ses opinions. Plus dans l’être. Moins dans l’apparence, la frime, les paillettes, comme à l’époque de Pascal Obispo, le mentor de ses débuts, éclipsé par son élève, dès 2004, avec En apesanteur, le tube qui a valu à Calo l’étiquette de chanteur à minettes. « En vérité, j’ai toujours été un type simple, facile à vivre », se défend-il. En témoigne, le clip de Sylvain Bergère, les tapes amicales échangées avec ses oncles, figurants sur le tournage, fiers de ce neveu resté si proche et qui, avec presque deux millions d’euros empochés, en 2010, a gagné plus d’argent en un an que le clan en une vie. Par atavisme, ils lui ont communiqué la modestie prudente d’une star encore plus aimée par ses voisins de quartier que par ses fans, ce manque de confiance en soi qui le fait encore souffrir parfois du complexe de l’immigré. Et peut-être aussi son étrange manière de se comporter avec les femmes, tantôt romantique, tantôt fataliste, voire maladroit comme il le fut avec son épouse, Hortense Estève, la mère de ses deux filles, Nina (dix ans) et Romy (six ans), ramenant leur séparation après sept ans de vie commune à « quelque chose d’extrêmement banal qui arrive à plein de gens ». La pudeur est souvent piètre oratrice…

« Charly ! » L’apostrophe amicale vient d’un ancien camarade embauché lui aussi à l’occasion du retour de l’enfant prodige d’Echirolles. « Sans ma grand-mère, c’était le prénom francisé choisi pour moi par mes parents », s’est-il déjà expliqué. On le sent un peu gêné par cette ombre constitutive de soi-même et refaisant soudain surface. Il y a sans doute du Charly dans ce personnage un peu tiède, opportuniste, le cul toujours entre deux chaises, que stigmatisent ses ennemis. Ou dans ce garçon discret et réservé, attendrissant et froid à la fois, décrit par ses potes. Charly, l’enfant choyé d’amour, celui qui, dit-il : « N’avait pas besoin d’être courageux parce que mes grands frères me défendaient, les aînés seuls devant savoir se battre ».

Aujourd’hui encore, Charly roule parfois des mécaniques. Il clame qu’il est un taureau sur scène. Il assure que la musique lui permet de demeurer le môme de quinze ans qui gratte sa guitare dans sa chambre. Mais Calo a appris en tenir la bride à ses élans mégalos ou régressifs. La claque, celle qui lui a vraiment permis de grandir, ce n’est pas celle que lui donnaient ses profs et qui rendait sa mère folle de rage, mais celle qu’il s’est pris, en 2007, avec l’échec de son album Pomme C, sa séparation avec Hortense, et la dépression qui s’en est suivie… Il l’a reconnu plus tard : « A cette époque, je suis devenu con et insupportable avec mon entourage ».

La trempe d’un battant, il a pourtant passé le cap de la quarantaine droit dans ses bottes de héros de la scène. En amour, il a reconstruit avec la parolière Marie Bastide, qui lui a donné un héritier mâle, il y a presque neuf mois. Au travail, ses amis les plus fidèles s’appellent, du côté des fantômes, Barbara (la chanteuse l’avait repéré à ses débuts au sein du groupe Les Charts) et, du côté des vivants, Françoise Hardy (qui l’a sollicité pour son dernier album, L’amour fou) ou encore Jean-Jacques Goldman (crédité dans le livret des Feux d’artifices comme dans celui de L’embellie, précédent album de Calo). Vieillir avec toi, le disque qu’il a composé pour Florent Pagny, l’année dernière, a connu un succès critique et populaire. Nul hasard. « Un jour, Salvatore Adamo m’a appris que mon prénom ne venait pas d’Italie, mais de Grèce, s’est souvenu Calogero, toujours auprès du Nouvel Observateur, il y a quelques semaines. Il signifie “beau vieux”, autrement dit sage ». Moteur !

Click Here: gws giants guernsey 2019

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *