Clint Eastwood: le dernier héros solitaire

A presque 85 ans, Clint Eastwood vient de sortir son dernier film, American Sniper, déjà encensé par la critique et le public. L’occasion de s’intéresser à la vie de ce cinéaste inépuisable.Par Hervé Tropéa, à Los Angeles.

Une fois de plus, il a réussi son pari. American Sniper, son dernier film, est un grand Eastwood. Sorti un bon mois avant la France, le biopic cartonne outre-Atlantique. Pluie d’oscars (six nominations) attendue le 22 février. Haletant, bien interprété – excellent Bradley Cooper –, sensible, pas une minute de trop, rien à jeter. Reste que malgré ses qualités, le film fait polémique là-bas, comme il le fera sans doute chez nous dans une moindre mesure. C’est que Clint a adapté la biographie d’un héros peu porté – à la différence d’un Walt Kowalski, interprété par lui-même dans Gran Torino, à la rédemption ou au pardon.

Le sniper le plus meurtrier de l’histoire de l’armée américaine a vraiment existé. Chris Kyle, c’est son nom, a été élevé au Texas dans le respect des valeurs Dieu-Famille-Patrie. Après les attentats du 11-Septembre, il s’engage. Fine gâchette, sa mission en Irak était d’abattre l’ennemi mais uniquement pour protéger ses compatriotes. Un profil qui a tout naturellement intéressé l’acteur qui tirait plus vite que son ombre dans les films de Sergio Leone. « En étant tireur d’élite, explique-t-il, Chris Kyle a tué plus de 60 personnes (lui en revendique 255, ndlr). Il l’a fait pour son pays, au nom de ses valeurs patriotiques. Il était convaincu de faire le bien en Irak. C’est quelque chose que je respecte. » Même si on le sait, Clint a toujours été contre l’intervention américaine en Irak. Le hic, c’est que dans sa biographie, Le diable de Ramadi (surnommé ainsi par les insurgés irakiens) regrette de n’avoir pas tué plus de « sauvages » là-bas. Héros national, surtout dans les Etats conservateurs américains, il est mort en 2013… sous les balles d’un vétéran pris d’un coup de folie.

Il y a donc ceux qui veulent voir American Sniper comme une hagiographie et s’en réjouissent. Et ceux qui s’en indignent. Enfin, les plus nombreux, ceux qui y voient le récit d’un destin mais aussi la parfaite illustration de l’absurdité de la guerre, vu, entre autres, la tension extrême qu’elle entraîne, avec traumatisme à la clé chez Kyle et les siens de retour au pays.

Reste que Clint Eastwood a toujours aimé les hommes qui se dressent et « en ont », et luttent pour leurs valeurs. Contre le petit confort général. Celle du patriotisme, aussi. Notion toutefois toute relative selon les époques. “J’ai grandi dans les années 30, la Seconde Guerre mondiale a éclaté lorsque j’avais onze ans. A cette époque-là, tout le monde était patriotique. En 1951, j’ai été réquisitionné par l’armée à cause de la guerre de Corée et nous nous demandions tous ce que nous allions bien faire là-bas. Même sentiment pour la guerre du Vietnam. Malgré tout, oui, on peut dire que je suis patriotique. Quant aux armes à feu, la dernière que j’ai tenue était une M1 sur le tournage de Gran Torino quand je me suis mis à crier ‘Ne marche pas sur ma pelouse!’ « Clint ou le dernier héros solitaire (il vient de divorcer de Dina, sa deuxième épouse): »Je suis en totale admiration devant ceux qui vivent un beau mariage jusqu’à leur mort. Je crois que c’est devenu quelque chose de très difficile à réaliser de nos jours.” Plus qu’un bon film visiblement.

Crédits photos : getty image

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