Luz: « On n’est pas des héros, on l’a jamais été »

Plus de quatre mois après avoir perdu des amis proches dans la tuerie de Charlie Hebdo, le dessinateur Luz a finalement décidé de quitter la rédaction. Il explique son choix dans les colonnes de Libération.

« Quand on est impliqué comme je suis dans Charlie, on est phagocyté par mille choses, le deuil, la douleur, la colère. » Devenu le principal dessinateur de Charlie Hebdo depuis le décès de ses amis, le 7 janvier dernier, Luz a finalement pris la décision de quitter la rédaction. « C’est un choix très personnel, explique-t-il dans les colonnes de Libération. J’essaie de garder le plus possible de maîtrise de ma vie, notamment de la temporalité, d’autant plus après ce qu’on a vécu. C’est devenu une de mes obsessions après tout ce bazar pour me reconstruire, de reprendre le contrôle de moi-même. »

Les raisons de ce départ ? Elles sont multiples. Il y a tout d’abord le vide laissé par ses collèges tombés sous les balles. « Chaque bouclage est une torture parce que les autres ne sont plus là, témoigne le dessinateur. Passer des nuits d’insomnie à convoquer les disparus, à se demander qu’est-ce que Charb, Cabu, Honoré, Tignous auraient fait. C’est épuisant”. Puis vient le travail. Dur, pesant, chronophage. »Après les attentats, il a fallu recommencer très vite. Moi, j’avais besoin de temps, mais j’ai suivi par solidarité, pour ne laisser tomber personne. Sauf qu’à un moment donné, ça a été trop lourd à porter”.

Mais Luz l’admet aussi : il a perdu le goût pour l’actualité. Cela implique également une difficulté à trouver de nouvelles idées, de nouveaux concepts. « Cette décision du départ, estime-t-il, elle est aussi dans cette angoisse : la peur d’être mauvais. Ces petits évènements anodins ça me passe au-dessus de la tête désormais. Bougrab a dit : ‘C’est quoi ce héros en carton qui ne veut plus dessiner Mahomet ?’. Mais on n’est pas des héros, on ne l’a jamais été, on ne l’a jamais voulu. » Et Jeannette Bougrab, ses remontrances, ses critiques, qu’en dit-il ? « Je n’ai pas envie de répondre à Bougrab, je m’en branle de cette conne. » Voilà qui a le mérite d’être clair. Renald Luzier, de son vrai nom, préfère aujourd’hui se concentrer sur ses derniers moments à la rédaction, régler les ultimes détails avant un départ bien mérité. « Dans quelques mois, je ne serai plus Charlie Hebdo, confirme-t-il, mais je serai toujours Charlie ».

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Crédits photos : Abaca

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